1 mars 2012

L'arnaque Chronicle


Que les choses soient claires dès le départ

Le seul point commun entre Chronicle et Cloverfield est que le mot "DOUCHEBAG" n'est prononcé qu'une fois et dans le premier quart-d'heure

C'EST TOUT

Ensuite,

C'est une arnaque. On vous vend un film fait main, façon Blair Witch et compagnie, mais d'où il sort le montage ? Chronicle est fichu comme n'importe quel film d'action : les plans durent certes quelques secondes de plus que la moyenne mais il n'y a pas un seul plan séquence. On a bien l'impression, à la fin, que le héros fait son montage le soir devant son ordi... Ça reste terrifiant (pour ne pas dire louche).

Passons sur l'histoire, trois jeunes tire-au-flanc qui apprennent à maîtriser la Force : c'est Star Wars III moins la politique, l'acteur (un mix de DiCaprio et de Chloé Moretz) est d'ailleurs aussi bon qu'Hayden Christensen en Dark Vador vénère. Passons sur les scènes d'action, c'est Spiderman moins New-York, c'est X-Men 1 moins Ian McKellen.

Ne passons pas, en revanche, sur ceci.

1. Liberté de l’œil. Contrairement à Cloverfield, entièrement filmé par la même caméra, ici le regard peut passer comme il le souhaite à l'intérieur de n'importe quel dispositif d'enregistrement des images. Le vrai super-héros du film, c'est lui. Dès que le protagoniste passe devant une caméra de surveillance, hop, le regard fuit le mouvement de la caméra subjective et file se planquer derrière une image vidéo grésillante en noir et blanc collée dans un angle du mur. L'idée a son écueil : on retrouve des conversations relou en champ/contre-champ (chose que les films tournés en caméra au poing sont censés éviter), tout ça parce que les personnages qui se parlent ont chacun une caméra, ça tombe rudement bien.

Le réalisateur tarde à mettre tout ça en place. A la fin il s'en donne à cœur joie, mais c'est simplement un moyen de multiplier les angles de vue sur ses scènes à "grand spectacle". Ça fait amateur, mais pas dans le bon sens du terme. Le coup fatal diffusé deux fois, comme les coups de poings dans les mangas, c'est pas possible. Le but du jeu est de faire réaliste ; là, c'est plus fake que la plupart des blockbusters à 100 millions. [Budget de Chronicle : 15 millions. Pourquoi ? Parce que les images de synthèse ont été faites en Russie. ... pardon mais : ça se voit.]

2. Travellings impossibles. La vraie idée excitante du film est ici. Le gamin se rend compte très vite qu'il peut contrôle sa caméra à distance.

Chronicle, métaphore du cinéma hollywoodien d'aujourd'hui. Souvenez-vous : le truc avec l'apogée des images de synthèse, la performance capture, tout ça, c'est qu'on peut recréer des environnements entiers de manière hyper-réaliste. Pourquoi faire ? Pour donner l'illusion que la caméra peut faire ce qu'elle veut dans le réel, aller où elle veut, traverser des trous de serrure, des miroirs, des crânes, etc (voyez Panic Room, Sucker Punch, Avatar, Tintin...)
On se dit : avec sa télékinésie, Andrew peut faire tous les travellings impossibles qu'il veut, des plans séquences de MALADE, du Spielberg en caméra au poing. On trépigne ! On ne devrait pas. Tout ce à quoi vous aurez droit, c'est la caméra au-dessus du vide (on n'a même pas le vertige), et des plans du mec qui se filme le soir, dans son pieu, mais depuis son plafond. GROOOOOOOVY

Si, il y a une scène où ça marche : quand le héros est dans le coma et que d'un coup, un travelling avant hyper-dramatique s'enclenche. On se dit : tiens ! il est réveillé ! C'est marrant.

3. Narcissisme. Le mec se met en scène lui-même, vous l'avez compris. Chronicle n'est pas l'histoire d'une bande de jeunes se découvrant des supers-pouvoirs. C'est l'histoire d'un type qui se met en scène en permanence. Là, ça devient intéressant. Le type veut tout filmer. Pourquoi ? Par narcissisme. [D'ailleurs les types des sous-titres français sont des patates, comme d'habitude. Ils traduisent "hybris" par "narcissisme". Or "hybris" se traduit par "hybris". A la rigueur, par "démesure".]

Cette petite histoire de Narcisse a ses charmes. On titille la perversité, pas trop tôt. Andrew bute son copain (pas celui de la photo, l'autre). Oui, non, parce qu'en fait, [si vous vous en foutez, passez directement au paragraphe suivant] le copain se prend un peu pour le père du héros parce que c'est grâce à lui que le héros a droit à sa première pipe, mais il vomit dans les cheveux de la fille, et du coup il en veut un peu au mec, et comme en plus il a envie de buter son vrai père, ben c'est le mec qui prend, enfin c'est compliqué et ça sert pas à grand chose, cherchez pas à comprendre.

Alors il va à l'enterrement et il y va avec sa caméra. Là, truc pas crédible que Cloverfield ne se serait JAMAIS permis : la scène de l'enterrement commence par un plan hyper-romantique de feuilles mortes dans l'herbe. Bin oui, la caméra était posée dans l'herbe ! bin oui koi

grumble grumble

Bref, Andrew revient un peu après. S'excuser. Pardon, je t'ai tué, je t'aime, lol. Et PENDANT CE TEMPS-LA la caméra travellingue lentement autour de la tombe, au niveau du sol. Grâce à son don de télékinésie, le jeune peut se permettre ça. Seulement on sait que pour maîtriser la caméra, il faut quand-même qu'il y pense un minimum. On se rend compte alors que ses excuses sur la tombe sont bidon : qu'il joue la comédie à (un) mort et que tout ce qui l'intéresse, c'est le mouvement de la caméra autour de ses pieds. D'ailleurs le film s'achève sur un type qui joue la comédie à (un) mort, moins le travelling : parce que celui qui finit le film est humble, vous comprenez.

Problème : je ne suis pas convaincu que le réalisateur ait pensé à ça. J'ai plutôt l'impression qu'il s'est demandé comment faire en sorte que cette scène d'excuses à la tombe ne soit pas trop chiante, et qu'il s'est dit cool, avec les pouvoirs télékinésiques du mec, je peux faire un travelling. Malheureusement, caméra au poing ou film classique, au cinéma un travelling peut toujours tout changer. EH OUAIS

4. Pas-de-bol. Le protagoniste est tellement occupé à se mettre en scène dans son petit théâtre piètre qu'il perd ses moyens dès qu'on le regarde. Quand le spectacle consiste à faire le bouffon sur une scène du lycée, il excelle ; quand le spectacle consiste à buter des foules sous les yeux de centaines de caméras, il devient con. Très con, du genre à envoyer valser un fusil à pompes dans un container à essence (qui lui explose à la tronche, forcément), du genre à se prendre pour Peter Pan mais aussi des réverbères dans la colonne vertébrale.

Restent de jolies idées. La façon dont l'araignée se fait démantibuler par une main qui s'ouvre comme ses pattes en étoile. ... Bon, je n'en trouve pas d'autre. Je suis un cuistre. Et frustré surtout devant l'un de ces films qui vous vendent de la perversité au kilo et finalement ne vous proposent qu'un tout petit encanaillement.

La preuve de ça ? Ils font voler la jupe de filles qui portent d'énormes culottes noires. A quoi bon ? A quoi bon ??? Josh Trank, ô Josh Trank, un peu d'hybris, merde !


Camille


P.S. Il va de soi que le fait que le scénariste, Max Landis, n'ait même pas un an de plus que moi, n'entre absolument pas dans la composition de ce post

3 commentaires:

Ed a dit…

Te plains pas : moi, j'ai dû me taper récemment "Target"...

Quoique. En fait, regardé au second degré, ça avait quelques moments rigolos. Des fois.

Anonyme a dit…

je vous aurais cru plus sensible à la métaphore cinématographique de l'adolescent spectateur de lui-même dans des jeux de console.

Camille B. a dit…

C'est-à-dire ? Au-delà du narcissisme ? L'idée que l'ado se tient derrière lui, extérieur à lui-même, comme dans les jeux où la caméra court derrière le personnage ? C'est une super idée, mais jamais employée dans le film, si ?