13 octobre 2011

Toast

REMBOURSEZ !!!

Vous le savez sûrement : regarder les bandes annonces, c'est mal. C'est le meilleur moyen d'apprendre prématurément des choses que l'on aurait voulu ignorer jusqu'au dernier quart-d'heure du film, de perdre l'effet de surprise des meilleures scènes d'action, de subir une musique pourrie pseudo-galvanisante, bref, de mettre toutes les chances de son côté pour s'ennuyer le jour J. C'est comme dîner dans un restaurant où l'on vous ferait manger d'abord toute la garniture du burger (le steak moelleux, le fromage fondant, les petites rondelles de cornichon gentiment élastiques et les sauces délicates - on n'est pas chez McTo), avant de vous jeter à la figure le pain sec, triste et seul, et de vous mettre dehors à coup de pieds aux fesses - triste et seul.


Et encore, c'est ce qui se produit dans le meilleur des cas. Il arrive trop souvent que la bande annonce donne une idée totalement et incroyablement fausse du film. Vous cherchiez une comédie romantique réconfortante, vous ressortez le mouchoir incrusté dans la narine au bout des trente premières minutes d'une tragédie sociale sans concessions et sans nuances, et pire que tout, probablement française. Vous pensiez emmener votre petite soeur voir une bluette inoffensive, il y a de la drogue et des filles nues qui s'embrassent. Vous pensiez emmener votre petit frère voir un film de voiture, et ça pisse le sang. C'est comme dîner dans un restaurant où l'on vous servirait un steak bleu précisément parce que vous l'auriez demandé bien cuit, du fromage congelé, et des rondelles de panais cru ensevelies sous un milk-shake moutarde, avant de vous cogner sur la figure avec le pain sec, triste et seul, jusqu'à ce que mort s'ensuive.


Il est fréquent, après quelques expériences de ce genre, d'avoir envie de se mettre à la diète. Comme dans toute diète cependant, la survie est suspendue à quelques concessions nécessaires, sans lesquelles on deviendrait fou. Quel mal y a-t-il à se lécher les babines devant de jolies affiches, aux vertus apéritives reconnues, mais diététiquement plus correctes ? Hélas, le désastre peut être au rendez-vous : nous l'avons appris à nos dépends mardi soir. Ecoeurés, frustrés, l'estomac tout plein de troubles, nous avons pris les armes, et citons Toast, pour l'exemple, à comparaître avant un an au tribunal de Dieu.

Préambule

ou

Comment tomber dans le panneau



Voici l'affiche de Toast. Alléchante, n'est-ce pas ? Décryptons ensemble les différents indices qui nous avaient mis l'eau à la bouche.

1. CUPCAKES. L'information capitale de toute cette construction publicitaire. Ils sont petits et néanmoins dodus, multicolores et innocents et gais et gras et sucrés, ils ont de petites jupes en papier, ils aiment le chocolat. Alignés comme sur le présentoir de votre pâtissier préféré, ils semblent sortir de l'affiche, et vous n'avez plus qu'à tendre la main pour les prendre.
Message subliminal : C.U.P.C.A.K.E.S.

2. Helena Bonham Carter. Étiquetée "valeur sûre". Label rouge des personnages loufoques mais souvent sympathiques, ou du moins distrayant. Un peu dodue, aimant probablement la bonne chère. Se fiche des apparences, conventions vestimentaires et protocoles people. Maîtrise parfaitement la préparation des tourtes à la viande.
Message subliminal : On ne va pas s'ennuyer.

3. Freddie Highmore. Ancienne "bouille" mignonne de tout un tas de productions enfantines plus ou moins sympathiques, plus connu sous le nom d'Arthur, mais surtout sur celui de Charlie, LE Charlie de la chocolaterie.
Messages subliminaux : C'est toujours intéressant de voir ce que les enfants stars deviennent / Il y aura du chocolat.

4. Bel accord de regards sur une magnifique tarte au citron meringuée.
Messages subliminaux : Tableau d'une relation épanouie et épanouissante construite autour de valeurs communes et d'un amour partagé pour les tartes au citron / Il y aura des tartes au citron.

5. Mouvement de cuillère significatif.
Message subliminal : On va MANGER des tartes au citron.

6. Rangée de gâteaux plus jolis les uns que les autres, et présentés dans une jolie construction parallèle avec les goûtues composantes de l'élément 1 (voir plus haut). Traduisent une évolution intéressante vers un accroissement délicieux de l'effet de réel : on passe  du dessin à la photo, du petit cupcake au gros gâteau.
Message subliminal : On va MANGER DES GROS GÂTEAUX.

7. Titre qui peut sembler un peu fade au milieu de tous ces gâteaux. Pourquoi ne pas avoir intitulé le film Cake, ou Cupcake, ou Cupcakes, ou Millions of cupcakes ?
Messages subliminaux : Ce film raconte l'ascension sociale et gustative fulgurante qui mènera son héros d'un toast unique et probablement un peu sec jusqu'à un océan de cupcakes/ Les toasts, c'est bon aussi/ On va MANGER des toasts.

8. Tagline définitoire du feelgood movie : "Une comédie gourmande qui révèle comment les anglais ont découvert la gastronomie".
Messages subliminaux : SI, les anglais savent cuisiner/ C'est une comédie/ C'est gourmand/ C'est une comédie gourmande.

Réquisitoire

ou

L'horrible vérité

1. Il n'y a pas le moindre foutu cupcake dans tout ce foutu film.

2. HBC aime faire bouffer les gens jusqu'à ce que mort s'ensuive, et met probablement de la cendre dans ses petits plats.

3. Freddie H. n'apparaît que dans les 15 dernières minutes, manifestement convaincu par l'idée obsolète qu'embrasser un mec quand on est un jeune acteur déjà un peu oublié c'est montrer qu'on est toujours un jeune acteur prometteur.

4. Il y a bien une histoire de tarte au citron meringuée. Mais elle est le symbole des sentiments haineux qu'éprouvent les deux protagonistes l'un pour l'autre.

5. Personne ne prend le temps de déguster quoi que ce soit. Les gâteaux, on ne les mange pas, on se bat avec (mais pas au sens battle de tartes à la crèmes, hélas).

6. Il y a bien quelques gâteaux, mais ce sont des armes de destruction massive de l'équilibre familial. Au fond, ce film est plutôt l'histoire de gâteaux que l'on ne mange pas.

7. Finalement, le toast est probablement l'élément le plus sympathique du film.

8. Tagline éhontément mensongère : la "comédie" est une grosse ratatouille de pathos un peu glauque et poussif sur fond de piano solo d'ascenseur. On n'a pas compris le rapport avec la révélation gastronomique des anglais, étant donné que le film s'arrête avant que le héros ne se mette vraiment à la cuisine. Et surtout, pour la gourmandise, on repassera. Personnellement, utiliser la nourriture pour voler à son rival l'affection d'une tierce personne, jusqu'à ce que la tierce personne en crève, ça ne me donne pas très faim.

Sentence

ou

La véritable affiche de Toast

Au jugé des observations semi-argumentatives précédemment exposées, nous, Mauvaises Langues, demandons solennellement que toutes les affiches de Toast soient confisquées, réduites en marmelade, et remplacées par l'image suivante.



Design : Camille

1. Père abominable et inexplicablement objet de la rivalité des deux protagonistes. 

2. Orphelin triste pratiquant le toast rituel en mémoire de sa mère défunte. On le soupçonne de ne pas tellement aimer manger.

3. Tueuse en série fumeuse portant des bas bon marché.

4. Petits pâtés de viande : seul moment vraiment appétissant du film. 

5. Symbole de déprime.

6. Star gastronomique anglaise.

7. Titre finalement aussi déprimant qu'il en avait l'air.

8. Tagline réaliste et authentique permettant de circonscrire la visibilité de Toast à un public masochiste et peu gourmand.

Les pétitions officialisant le verdict seront mises en circulation prochainement, nous vous en tiendrons informés.


Texte : Noémie
Graphismes : Camille

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