22 octobre 2011

Les Trois Mousquetaires

VIVEMENT TINTIN !

Vu Three Musketeers vendredi soir, film d’espionnage en costumes ayant lui-même sérieusement espionné ailleurs. Tout y ressemble à autre chose, et rien n’y est vraiment à voir, parce que Paul W.S. Anderson ne filme rien : obsédé par l’image plutôt que par l’action, ses plans ne fonctionnent que visuellement, sans qu’il y ait jamais grand-chose pour les remplir. L’image 3D est profonde, mais creuse, creuse comme une voiture qui avancerait parce qu'on l'a lancée mais qui n'aurait pas de moteur sous le capot. Dans la voiture sans moteur, toute une brochette d’acteurs tous plus sosies les uns que les autres (Portos/Russell Crowe, D’Artagnan/Leonardo di Caprio, Aramis/Heath Ledger, Athos/Gerard Butler et Buckingham/Jack Sparrow), et à l'autoradio, une musique pompée sur celle de Pirates de Caraïbes et de Sherlock Holmes qui repousse les limites du plagiat impuni, à tel point qu’on se demande si « PAUL HASLINGER » n’est pas un pseudonyme pris par Hans Zimmer qui avait vraiment trop honte de se répéter comme ça.

Sérieusement, écoutez ceci et ceci (Zimmer)... puis ceci (Haslinger) ... Avouez que c'est impressionnant.

Le résultat, évidemment, n’est pas déplaisant, surtout un vendredi soir : les matte-paintings numériques de Paris au XVIIe siècle sont splendides, et les combats suffisamment recouverts de musique pour paraître virevoltants alors qu’il ne s’agit que de photocopies de photocopies ; en l’occurrence, des photocopies de 300 photocopiant Matrix photocopiant... ad lib - le tandem ralenti/accéléré dans un même plan étant devenu d'autant plus mauvais goût aujourd'hui au cinéma qu'il a été très largement récupéré par la télévision, et en particulier par les retransmission de foot et de rugby. Voyez la finale d'hier et la 74e minute, lorsque qu'un ailier français arrive, au ralenti, sur un A.Black, qu'il percute en accéléré, avant de se remettre du choc et de reprendre sa course, au ralenti, à nouveau. Or ce qui marche à la télé ne peut plus marcher au cinéma, parce que le cinéma doit avoir une longueur d'avance sur la télé. C'est comme ça.

Ces Trois Mousk. sont l’occasion de faire un constat amer : les années 2000 ont constitué un âge d’or, où l’emploi des images de synthèse atteignit son apogée après la longue puberté des années 90 ; tandis que le post-11-Septembre et la détestation de Bush galvanisaient les scénaristes. Le budget des films n’a pas cessé d’augmenter, jusqu’en 2007 avec le doublé Spiderman 3/Pirates des Caraïbes 3, films à 300 millions de dollars sortis à une semaine d’intervalle - et loin d'être aussi mauvais que ce qui sort aujourd'hui. Parce qu'aujourd’hui, c'est : la Crise. Les films à 300 millions (à moins d’être en partie autofinancés : James Cameron, Peter Jackson, Steven Spielberg, sont à peu près les seuls à pouvoir se le permettre) ont disparu. Et le traumatisme du 11-Septembre, qui donnait à Hollywood une sorte d’orgueil et de dignité, a disparu, même si Stephen Daldry joue avec dans son prochain film (mais il est anglais). Non seulement Hollywood peut à nouveau se permettre de faire des films cheap, mais il est obligé de les faire. Et pas cheap-grindhouse, hein, cheap au sens premier du terme : c’est-à-dire pauvre et qui tente de faire riche. Ces films se divisent en deux catégories : populaire/cynique ; nostalgique/idéaliste.

1. Soupe populaire. Les grandes sagas sont achevées, les studios tentent d’en relancer d’autres - à moindre coût. Cela donne tous les films Marvel, qui coûtent toujours le même prix, 150 millions de dollars, une bagatelle comparé à ce qu’ils rapportent. Cela donne aussi Wolfman, Sherlock Holmes et Les Trois Mousquetaires. Tournés par des réalisateurs sans personnalité (pardon Joe Johnston, mais tu sais que j’ai raison), ces films reposent tous sur des personnages qui ont déjà fait leurs preuves dans tout un tas de productions fauchées : il est du coup plus facile d'avoir l'air riche. Le loup-garou, Sherlock Holmes, D’Artagnan, et aussi les vampires que l’on voit partout, tous ces trucs sont aussi folkloriques que Captain America, Hulk ou Spiderman : il s’agit de ne surtout rien inventer, et de prendre des héros déjà populaires pour en tirer des sous-films qui, systématiquement, coûtent entre 100 et 150 millions de dollars. Pirates des Caraïbes 4 en fait partie. Ce sont là des pulp movies, car le numérique est à la pellicule ce que le papier journal est aux livres ; des films détachés de cet espèce de respect pour la pop-culture qu’avaient insufflé au cinéma les Spielberg, Lucas & Cie, qui n’auraient jamais laissé passer des images de synthèse aussi crades que celles des Trois Mousquetaires – je ne parle pas des matte paintings, mais bien des dirigeables géants, des explosions, des doublures numériques... En d’autres termes : les images de synthèse des blockbusters radins de 2011 valent plus ou moins celles des blockbusters ambitieux de la fin des années 90. Pourtant, ceux d’aujourd’hui font plus d’argent.

2. Soupe nostalgique. Les vraies sagas sont derrière nous, les jeunes réalisateurs le savent. C’est pourquoi on voit surgir tout un cinéma d’action reposant sur le culte de Steven Spielberg (le culte de Georges Lucas alimentant, quant à lui, plutôt les comédies). Super 8, Cow-boys et Envahisseurs, Real Steel, j’en passe et des pires, sont des rejetons plus ou moins avoués du cinéma de Spielberg. Pas de Scorsese (ou alors, seulement Drive) ! Pas de Ridley Scott ! Pas de James Cameron ! Pas de Coppola ! De SPIELBERG (*) - comme s’il suffisait de voler un peu de lumière originelle au Grand Faiseur pour donner un peu plus de brillant à ces films rendus ternes par l'économie ambiante. Un film de Spielberg est un séisme, son onde de choc court sur des années dans l’industrie. La dernière fois, c’était Munich : sa descendance on la connaît, c’est Daniel Craig à toutes les sauces, plus Casino Royale, Quantum of Solace et le prochain Skyfall. Cela fait 5 ans qu’il n’y a plus rien eu, Indiana Jones 4 ayant tout juste été bon à confirmer Shia LaBeouf en tant que star. Sans Spielberg, les hollywoodiens semblent seuls, ils peinent à trouver l’étincelle créatrice en dehors de lui et errent dans les limbes des films à 100 millions.

C’est au milieu de cette débandade que vont débarquer Tintin et War Horse. Attention au choc thermique.


Camille.


(*) "Mais enfin, restons sérieux : un monde où Spielberg est devenu une référence, voire la référence, est un monde qui régresse." E.Burdeau dans sa critique de Super 8 sur Mediapart. Ça ne fait pas plaisir, mais c'est possiblement vrai.

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