22 juin 2011

L'anti-guide médisant de la fête du cinéma 2011

Mauvaises Langues vieillit sans que nous nous souciions de ses anniversaires, et déjà une seconde fête du cinéma s'offre, lascive, cambrée sur un fauteuil en satin rouge, à nos tendresses sarcastiques

C'est toujours avec nostalgie que je constate que l'opération dure aujourd'hui 5 jours et non plus 3, comme au tournant du millénaire, quand j'étais lycéen. Au cinéma Casino de Châlons-en-Champagne, quand personne n'avait encore l'ADSL mais des forfaits internet de 24h/mois - quand on ne voyait les films qu'au cinéma et, province oblige, en français -

- c'est avec une joie intense que je recevais, après une place payée... Mais oui... 40 francs ! - mon PASSEPORT. Un machin en papier de plusieurs pages, qui se voulait une sorte d'agenda où noter les films que je verrais ensuite - pour 10 francs. La foule des ados, dont j'étais, se pressait devant l'entrée du cinéma comme devant celle de la cantine, et ce furent les premières journées où, grisé, j'enchaînai les films, avec un minimum de trois par jour, pendant trois jours. C'est à une fête du cinéma que j'ai découvert Matrix, Sexe Intentions, Gladiator, Shrek 2... (mais aussi Nos Amis les Flics et Riders, hum). Souvenir très clair d'être allé voir Matrix deux fois dans la même journée

Maintenant c'est plus pareil ! Sur cinq jours, vous vous apprêtez à découvrir les blockbusters de l'été 2011. Ils ont coûté deux, voire trois fois plus cher que ceux de 1999. Il n'y a pas un climax en images de synthèse à la fin, mais des trucages numériques dès le premier plan. Ah vous ne voulez pas d'Américains ? Ok, ok. Il y en a pour tout le monde.

Comme l'année dernière, je vous présente les cases, et vous laisse lancer les dés.

1. Thor
2. Pirates des Caraïbes 4
3. Fast & Furious 5
4. X-Men Origins
5. L'élève Ducobu
6. Blitz
7. Kung Fu Panda 2
8. Minuit à Paris
9. The Prodigies
10. Une Séparation, Omar m'a tuer, Pater
11. Blue Valentine
12. Beginners, Pourquoi tu pleures

Attachez vos ceintures : le moment où nous donnons notre OPINION sur des films que nous n'avons en partie PAS VUS,
- c'est maintenant.

1. et 2. Thor et Pirates, vous savez ce qu'on en pense : de la 3D qui perce les yeux, du gâchis - de Kenneth Brannagh d'un côté, de Johnny Depp de l'autre. Le saviez-vous ? Depp a signé un contrat de 60 millions pour faire Pirates 4 (pour se faire pirater, aussi).
-- 60 millions de dollars = budget complet de Jurassic Park.
-- Honnêtement, je pense que personne, pas même le plus génial des artistes, peut garder accès à sa veine créative si c'est un chèque pareil qui l'y pousse. Un artiste doit être libre. Avec 60 millions à amortir, vous n'êtes pas libre. L'art des stars, c'est d'arriver à rester bons malgré des salaires faramineux - les Brad Pitt, les Tom Cruise. Mais guess what ? Il y a une différence entre 20 millions, salaire habituel des mastodontes, et 60 millions.

Quoi qu'il en soit, si vous cherchez les hommes hyper-musclés (Thor) ou les hommes maquillés (Pirates 4), vous passerez un bien meilleur moment à la gay-pride (ce samedi 25) (pour être exact, la parade atteint Bastille au moment où je vous parle ; ... : faites comme si.)


3. Fast & Furious 5 est, en attendant Transformers 3, notre bourrin préféré. C'est une resucée de La Vengeance dans la Peau, bon, certes, oui, et on aurait pu vous faire un post entier sur la liste des points communs, d'accord. C'est aussi un remake de Heat. Mais un bon remake, alors. Ok, ce n'est pas original du tout. Ce qui reste ? Les cascades. Et Vin Diesel, qui est loin d'être mauvais. Qui ne se prend pas pour ce qu'il n'est pas, en tout cas. Il reste celui qui a dit : "les gens me croient stupide. Mais je fais un métier que j'aime, et que je gagne ma vie avec. Un homme stupide y serait-il parvenu ?" - ou quelque chose du style d'extrêmement convaincant.


Il y a aussi un réalisateur derrière tout ce bazar, Justin Lin, que l'on ne prenait pour personne lorsqu'il est arrivé sur Fast 3, et a quand-même rudement bien appris. La où Jason Bourne était un chant d'amour au choc, à la jouissance de la chair écrasée/éclatée contre du solide, Fast 5 est un mélodrame hyper-romantique à la gloire de la masse et de sa douce capacité à démolir tout ce qui est susceptible de laisser gicler de la poussière ou du sang, ou les deux. Tout est pensé en termes de poids dans Fast 5. On ne vole pas des dollars, mais des kilos d'argent. Le flic dépêché à Rio est tout simplement plus lourd que Diesel (c'est Dwayne Johnson). Et le film s'achève sur une scène époustouflante de masse d'arme géante rasant la ville - même scène qu'au début de Seuls Two, mais, comment dire ? En mieux. Pardon à Eric et Ramzy, je suis sûr qu'ils me comprendront.

4. X-Men Origins. Bien fait, bien joué, bien casté - exception faite de January Jones, la femme-diamant, frustrante et énervante : elle passe le film à côté de Kevin Bacon, l'homme qui a incarné le premier homme invisible que la cohérence avait poussé à être nu en permanence (dans Hollow Man, de Paul Verhoeven !), et se permet de transformer sa combinaison de latex en diamant ; seul son corps devrait en être capable pourtant. Début d'un nouveau topos du XXIe siècle : le sous-marin qui jaillit de l'océan. Si, vous avez déjà vu ça (dans Transformers 2, mais chut).



(vous voyez bien que ça ne l'aurait pas gênée du tout d'être cohérente, January Jones.)










5. L'élève Ducobu. Le film à la gloire des tricheurs ? Sorti alors que les concours nationaux n'ont jamais été aussi ridicules (un texte fake servi à l'agreg d'histoire, le sujet de Bac S sur internet avant l'épreuve, les pubs pour devenir prof comme pour voter EDF ou devenir concierge, 850 postes au Capes de maths pour 1000 candidats). L'élève Ducobu, donc, où l'on prononce "prof" comme on crie "ennemi" dans les couloirs décrépis, où l'on caresse dans le sens du poil l'élite des élèves qui avait bien besoin de ça. Ce n'est pas comme si l'éducation nationale n'était pas déjà un gros bordel, et la risée du monde professionnel. Bah ! A quoi bon jouer les rabat-joie ? C'est une comédie. Vous êtes censés passer deux plaisantes heures en compagnie d'un Pugsley Addams jaune passé à la moulinette du "ah-cette-bonne-vieille-quatrième-république" (et sponsorisé par Miel Pops) qui nous a déjà infligé Le Petit Nicolas, Faubourg 36, j'en passe et des pires. Vraiment pas de quoi se plaindre, hein.


6. Jason Statham s'est rendu plutôt sympathique avec Expendables. Mais la tagline de Blitz nous plonge dans la perplexité, à tel point qu'on en aurait presque fait un sujet de philo : "Contre un tueur de flics, une justice hors-la-loi - Commentez le concept de justice hors-la-loi, vous avez 4 heures". Et puis Blitz, ça évoque immanquablement la blitzkrieg, et les nazis. Alors je ne comprends pas bien le but du jeu. Je croyais que les types qui font les affiches s'y connaissaient en connotations. Ou bien est-ce effectivement le cas ?
Il y avait une autre tagline dans le même genre, il y a peu, une affiche avec Dwayne Johnson, Faster : "Lente est la justice. Expéditive sera sa vengeance." Quand on a grandi pendant le cinéma culpabilisé de l'ère où l'Amérique vengeait aveuglément le 11-Septembre en Irak, on a du mal à avaler tous ces films qui ne se posent pas un minimum de questions avant d'exécuter les coupables (le moment où les studios se sont dit : "ah ouais, on a à nouveau le droit ? ah ben cool" - c'est Taken - et c'est un produit Besson). Ce qui confirme que Fast 5 est, comme son producteur Vin Diesel, loin d'être complètement bête : à la fin, Dwayne Johnson descend un type de la manière la plus arbitraire qui soit ("That's for my crew", ça vient de là) - mais c'est tellement énorme qu'on en rit. Géniale dérision. Fast 5 est à Dwayne Johnson ce que Expendables est à Statham.
Le pire, c'est qu'il paraît que les films comme Faster ou Blitz se laissent très largement regarder. Le côté obscur a toujours eu son charme.


et surtout faites des études, c'est important












7. Kung Fu Panda 2. Très simple. Lunettes 3D verboten. La fin se passe dans le noir, vous n'y verrez que dalle. Quant au film, il est réservé aux moins de 12 ans qui n'ont en mémoire aucun film, et trouveront cela génial drôle original ska-doosh yaaah-maman-achète-moi-un-panda, sans se rendre compte qu'il n'ont rien pigé, mais c'est ça qui est bien : il n'y a rien à piger. C'est du tout cuit. Du fat gâteau. C'est l'histoire du film, d'ailleurs. Un type (le panda, donc) veut accéder vite-fait à la sagesse intérieure. Son maître lui dit : "non, c'est difficile." A la fin du film, 90mn plus tard, il a accédé à la sagesse intérieure. Le maître est jaloux, personne n'est censé parvenir à ses fins aussi facilement. Eh bien, si. Kung Fu Panda n'a qu'à sortir le chéquier, enfiler les stars au casting, même si elles ne sont là que pour faire joli sur le poster, les dollars rentrent tout seuls.

8. Minuit à Paris. Ceux qui ont encore en tête le Woody philosophe des années 70 rejetteront en bloc. Les autres le consommeront comme une coupe de Champagne (la comparaison n'est pas de moi). Bon, Carla Bruni pue. Et pour un Allen, les répliques délicieuses manquent un peu. Ce doit être la musique, ce bon dieu de jazz, qui rachète absolument tout.

9. La bande-annonce de The Prodigies ne donne pas envie. Le film fait un bide. Libre à vous de jouer les héros...

10. Une séparation, Omar m'a tuer, Pater : vous pouvez nous accuser de ce que vous voulez parce que nous regroupons ces trois films qui n'ont rien à voir l'un avec l'autre, si ce n'est qu'ils sont ceux que vous choisirez si vous décidez de ne pas profiter des entrées peu chères pour ne pas vous goinfrer de sucreries US. Nous n'en avons vu aucun, mais savons de source sûre qu'Une séparation est du réalisateur de "Darbarra -yelly", que Noémie (à qui je dois de connaître le titre original et de le prononcer aussi bien) avait aimé sans s'y attendre ; qu'Omar m'a tuer est avec Sami Bouajila (qui aura le César du meilleur acteur pour ce rôle, et le mérite probablement) ; qu'il vaut mille fois mieux voir Pater que La Conquête.

11. Blue Valentine est une nouvelle mise en boîte des subtilités d'une relation amoureuse naissante. Quand vous serez marié(e) depuis 10 ans ou propriétaire d'un pavillon à la campagne, vous ne jurerez plus que par ce genre de films. Un neveu inconscient vous tirera même une larme en vous offrant à Noël le coffret Blue Valentine/Closer/(500) jours ensemble/Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Nous serons en 2025. Michelle Williams aura 55 ans et fera des comédies romantiques un peu nulles. Mais vous aurez Avatar 3 en Blu-Ray. Ce ne sera donc pas si terrible.

12. Beginners et Pourquoi tu pleures arrivent en fin de liste et ne devraient pas franchement être vos priorités, sauf si vous fantasmez encore sur Mélanie Laurent (Beginners) ou Benjamin Biolay (Pourquoi tu pleures).

bon appétit

[Nostra culpa : nous avons finalement vu 30 minutes de Beginners. Ce n'était pas mal du tout. Parce que Mélanie Laurent a un rôle muet, d'abord, et que ça lui va plutôt bien ; aussi et surtout parce qu'il y a derrière tout ça un réalisateur, Mike Mills, qui a beaucoup d'idées, et des jolies.]

Restent des films comme Noir Océan ou L'Affaire Rachel Singer, qui nous intéressent beaucoup, et dont on ne dira rien sans les avoir vus, en gage d'amour partial et arbitraire ! Mais aujourd'hui c'est la gay pride. Considérez ça comme un free hug.

Bonne fête du cinéma à tous !



Camille

1 commentaire:

Sylvain a dit…

Eh bien figure toi que de mon temps à moi, la Fête du Cinéma durait une journée et le "film suivant" coûtait 1 francs. 15 centimes d'euros, c'est ça.