12 janvier 2011

Green Tarantino

Michel Gondry, expert en hommages (voir Soyez Sympas Rembobinez), rend ce mois-ci hommage à une série de 1966, et qui a fait un bide (concurrencée par Batman) : Le Frelon Vert. Un autre réalisateur né en 1963 avait déjà rendu hommage à cette série furtive : Quentin Tarantino. Dans Kill Bill, premier du nom.
Le Frelon Vert est en effet devenu culte, avec ses 26 épisodes de rien, pour le sidekick qu’il avait mis en lumière : Bruce Lee. Et toute la séquence finale de Kill Bill ne faisait que raconter l’histoire de Bruce Lee. Vous n’ignorez peut-être pas qu’Uma Thurman emprunte sa combinaison jaune rayée (façon abeille) au Bruce Lee de la fin, dans Le Jeu de la Mort (1973). Eh bien, ceux qu’elle affronte dans la maison du Plan Séquence, la House of Blue Leaves, ce sont les Crazy 88 : 88 gardes japonais habillés façon frelon, avec le masque que portait Bruce Lee lorsqu’il incarnait ce fameux sidekick (Kato).
La référence commence par le générique de la série, remix du Vol du bourdon de Nikolaï Rimsky-Korsakov (Le Frelon Vert était à l’origine une série radiophonique des années 30 dont la particularité était d’employer de la musique classique pour faire ses ponts). Ce générique commence quand Uma Thurman prend un avion pour le Japon, un avion qui évoque aussitôt, sur la carte qu’il traverse, une sorte de gros insecte noir (couleur du frelon, si mes souvenirs sont bons, depuis que j’ai vu mon grand-père en éclater un à mains nues sur la vitre du tracteur).

Cette séquence musicale est en fait un préliminaire sexuel au gigantesque combat qui va suivre. Tarantino propose un second préliminaire juste après le premier (avec la musique de Téléfoot, vous savez ; je connais parce que mon grand-père, le même, regarde souvent). Ce qu’il y a de sexuel, c’est le plaisir que prend Tarantino à coordonner ses mouvements, mains, bassin, bouche, traduits en langage cinématographique : images, rythme de la musique, raccords. Tantôt les images collent au rythme, tantôt elles s’en détachent, tout le monde fait ça évidemment, même Xavier Beauvois à la fin de Des Hommes et des Dieux, dont le montage sert aussi à subitement plonger le spectateur en extase – c’est juste qu’ici Tarantino le fait de manière particulièrement sensuelle. Il joue délibérément, ouvertement, avec l’excitation du spectateur (ce que ne fait pas franchement Xavier Beauvois, par exemple).
On aperçoit donc, en concordance avec le rythme de la musique, une roue verte, furtive, du même vert que celui du Frelon. Juste après, c’est toujours sur cette musique qu’Uma Thurman apparaît pour la première fois dans le costume du Jeu de la Mort. La voilà bientôt en train de combattre ces 88 hommes, et Tarantino de raconter que 88 Bruce Lee des débuts (la précision, c’est son truc, à QT) ne valent pas 1 seul Bruce Lee de l’apogée. Un génie ne peut que s’améliorer avec le temps. D’où cette certitude à la fin d’Inglourious Basterds : « I think that might just be my masterpiece… »
Tarantino est aussi sûr de lui et arrogant que Gondry est discret, réservé. D’où le grand intérêt d’être né en 1963, ou d’avoir 47 ans, et d’aller voir Le Frelon Vert, dès aujourd’hui. D’ailleurs, je dois m’envoler, ma séance est dans moins d’une heure.
Camille.

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