22 mai 2010

L'Arnacoeur

Film jetable ? Un peu. Tout le monde en disait du bien il y a deux mois, il aura bien fallu finir par s’expliquer le phénomène. Pascal Chaumeil, dont c’est le premier film (c’est un poulain Besson : il a été assistant réal ou chef de 2nde équipe sur Léon, Le Cinquième Elément et Jeanne d’Arc), propose une comédie romantique à l’anglo-saxonne tout en faisant reposer son scénario sur un jeu de masques qui lui permet de flotter à la surface du plaisant, sans couler dans les fosses de la comédie facile et bête. Fosses qu’il tutoie par moments, lors de quelques scènes où le comique télé – numéro de Chouchou et Loulou entre les deux sidekicks de Duris, pugilat contre le gros serbe patibulaire…- semble avoir dégoûté Chaumeil à tel point qu’on se demande soudain s’il ne s’agit pas d’une farce, d’un bug dans la pellicule, ou d’un moment suédé (suédé, comme dans Soyez sympas rembobinez). L’histoire, vous la connaissez : Duris est un briseur de couple professionnel (« misère du cinéma-pitch », héhé). Voilà voilà. Et il doit briser le couple d’une fille dont il tombe amoureux. Voilà voilà.


Les bonnes scènes de L’Arnacœur sont moins génératrices de beauf que tout Adèle Blanc-Sec. La séquence pré-générique, parodie du Patient Anglais, est assez réussie. C'est du comique mécanique, sans les engrenages compliqués de l’intrigue. On y jette une colombe fatiguée qui préfère se crasher dans le sable au lieu de voler (mon gag préféré). L’emploi de la musique fait penser à celui de (500) Jours Ensemble : elle a été choisie par le personnage con qui est à l’écran, et acceptée par le réalisateur avec un rire sarcastique. Evidemment, c’est comme Kick Ass : un genre est parodié (le film de super-héros, la comédie romantique), mais il faut bien, à la fin, se résoudre à donner au public ce qu’il est venu voir : un film de super-héros ; une comédie romantique. Un jet-pack et des mitrailleuses ; une mariée qui s’enfuit et un bisou. Alors Chaumeil surjoue sa soumission au genre, et restitue la scène de danse de Dirty Dancing jusqu’au bout : Duris soulève Paradis au-dessus de lui, sans répétition, sans rien, waouh. La scène profite de l’ambiguïté du personnage : Dirty Dancing, lui, il trouve ça pourrave. Cette danse, c’est la honte. Il ne s’y plie que pour gagner du fric et ne pas se faire casser la gueule par ceux à qui il doit de l’argent. C’est un mec qui travaille, exactement comme Chaumeil, qui travaille alors à livrer au public ce qu’il attend : du tartignolle, du mignon.


Il rattrape plutôt bien le coup à la fin, quand Duris fait sa déclaration d’amour à Paradis en expliquant qu’il déteste tout ce qu’elle aime. Je suis nul, mais divertissant, aime-moi. L’objectif du film est assez simple : arranger un coup à tous les artistes de la planète. Que toutes les filles, superficielles (façon Helena Noguerra, qui n’est jamais aussi drôle que quand elle se fait assommer) autant qu’intéressantes se retrouvent au lit non pas avec les premiers de la promotion, mais avec les fuck-ups à la Duris - pas complètement fuck-up en vérité : il a quelques rudiments GQ, il sait repasser ses chemises. C’est ce qu’il dit au début : « on est des artistes ». Le film répète à l’envi que ces mecs-là ne sont pas chiants. Le malheur, c'est l'ennui. Ce qu’il ne dit pas, en revanche, constitue la vraie arnaque de L’Arnacœur : elle vend Romain Duris en lieu et place de tous les artistes fauchés du monde (qui ne savent même pas repasser leurs chemises, eh non).



Camille

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